D’un pas assuré, Liraël s’avança vers le comptoir de l’auberge saluant d’un léger signe du visage le tenancier, avant de poser ses iris hétérochromes sur l’homme qui se trouvait accoudé à ce même comptoir, et qui la dévisageait avec un léger sourire. Le buste de ce pilier de bar pivota légèrement sur sa droite, faisant ainsi face à la jeune femme. Il leva légèrement les bras, comme pour célébrer l’arrivée de la mercenaire tout en décollant son postérieur de son tabouret.
« Lira ! Ma préférée ! Si tu savais comme j’étais impatient que tu arrives ! »
La brune eut un léger mouvement de recul, apposant sur cet homme un regard interrogateur mêlé à un brin de dégoût. Sa lèvre supérieure tressaillit, trahissant ses émotions. Elle émit un grognement avant de ramener son regard sur l’aubergiste.
« Paye-moi à boire, et je t’écouterai. »
L’homme se rassit, conservant son sourire avant de tendre sa dextre en direction de l’homme derrière le comptoir, le poing fermé, il tendit son index et son majeur avant l’interpeler.
« Deux chopes d’hydromel. »
Il tourna légèrement la tête vers Liraël.
« Je n’ai pas oublié que tu aimais tout ce qui était sucré… »
À cet instant, la balafrée lui accorda un regard, mais son visage restait fermé tandis que son interlocuteur conservait un large sourire. Cet homme, marqué par l’âge et le temps, semblait avoir fait ses heures sur le terrain, comme un ancien homme d’armes qui se reconvertissait dans le commerce. Ses cheveux mi longs poivres et sels se mariaient parfaitement avec son sourire avenant, même si ce dernier n’avait aucun effet sur la brune, qui connaissait cet homme depuis quelque temps déjà.
« Ne fais pas chier, Damian. Arrête ton numéro avec moi. Je suis là, tu parles, je t’écoute et on trouve un terrain d’entente. »
Elle orienta son visage vers l’homme en surpoids qui venait de déposer face à elle, une chope d’hydromel en acquiesçant silencieusement, en signe de remerciement.
« Tu as toujours ton caractère ! Mais soit. »
Le ton de sa voix se voulait plus sérieux, et quand Liraël posa ses yeux vairons sur son visage, elle découvrit que son expression venait de se fermer tandis que sa dextre vint se poser sur le comptoir, où ses doigts commencèrent à tapoter ce bois de mauvaise facture.
« Tu sais Lira… Il n’y a pas grand monde qui est prêt à engager une mercenaire qui a laissé son patron se faire tuer… »
Fronçant les sourcils, la brune, qui trempait ses lèvres dans l’hydromel présent dans sa chope, la déposa, avec une brutalité certaine sur le bois abimée du bar avant qu’elle ne lance un regard assassin à l’attention de son compagnon de beuverie.
« J’ai toujours mon caractère, alors fais gaffe. Tu sais que la foule ne m’empêche pas de faire ce que j’ai à faire… »
Elle serrait les dents tandis que sa noisette et son azur se fixaient dans les yeux de Damian, comme pour lui montrer que la détente de la jeune femme serait plus que rapide si elle décidait, à cet instant, de lui sauter à la gorge. Mais l’air grave de l’ancien homme d’armes laissa place à un large sourire tandis qu’il levait les mains, exhibant ses paumes en signe de paix.
« Wôw, wôw, wôw… Je ne voulais pas t’offenser ! Je voulais juste te rappeler que compte tenu de ta situation légèrement précaire, j’ai une opportunité en or pour toi, et qu’il fallait que tu sois consciente de la chance que c’est pour toi que je te propose cela ! »
Émettant un léger grognement avant d’apporter sa chope à ses lèvres, pour qu’elle vienne se délecter de ce doux breuvage, elle prit quelques secondes avant d’en extraire sa bouche pour lui répondre.
« Si tu me demandes, c’est que personne d’autre n’est capable de faire ce boulot. Alors, accouche. »
Haussant les épaules, le dénommé Damian laissa son coude gauche se poser sur le comptoir, tandis que sa senestre récupéra la chope pour l’approcher de son visage.
« Tu sais, à Matrev, les gens n’aiment pas trop se faire baiser… Et quand un petit malin a roulé dans la farine quelques marchands de grande envergure ici et qu’il se permet de revenir… »
Il penche légèrement la tête sur le côté gauche en haussant légèrement les épaules avant de reprendre.
« Il n’est pas insensé de se dire que les risques de faire une mauvaise rencontre sont décuplés. Enfin, je dis ça, mais c’est surtout ce que pense le client ! Alors ça m’arrange, parce qu’il paye bien plus pour sa protection… »
L’homme déposa sa chope sur le comptoir et avança lentement son visage de Liraël.
« Il ne connait pas Nathanaël et tu es la meilleure, y a juste besoin de te regarder pour le savoir ! »
Sa dextre se tend vers son interlocutrice, paume ouverte, comme s’il la présentait, en bon présentateur d’une troupe de saltimbanques, alors qu’il exhibait à cet instant la furie de Matrev.
« Sors ta langue de mon cul et viens-en au fait. »
Le ton de la mercenaire se voulait froid, comme si cette interaction l’ennuyait. Elle continuait néanmoins à vider sa chope. Damian sourit à nouveau, comme s’il appréciait ces échanges brutaux et directs avec la jeune furie.
« C’est un marchand qui revient, Marius. Il a pris des choses qui ne lui appartenaient pas auprès de personnes influentes ici, il avait prévu de partir et de ne jamais revenir, mais il dit avoir trouvé quelque chose d’une grande valeur et il a un rendez-vous avec un expert en objets précieux pour déchiffrer une carte ou une connerie dans le genre. C’est peut-être un crétin qui s’est fait baiser en achetant un morceau de papier, mais il nous paye en pierres. Plus de pierres que tu as pu en voir avec tous tes contrats. Alors ? Qu’est-ce que tu en dis ? »
Il souriait, largement, comme s’il savait que sa comparse allait accepter à coup sûr cette offre, cependant, elle ne démontra pas le même enthousiasme. Elle le fixa, plissant légèrement les yeux, comme si cette dernière se perdait dans une intense réflexion, mais en réalité, elle ne pouvait pas se permettre de refuser un quelconque contrat. La mort de Nathanaël, son ancien employeur, lui avait causé bien trop de tort pour qu’elle puisse faire la fine bouche. Si ce Marius avait énervé quelques personnes influentes, la jeune femme ne doutait pas qu’il y ait une bonne dose d’action, et ça, la balafrée en était ravie.
Elle se redressa, termina sa chope d’une traite avant de la reposer sans aucune délicatesse sur le bois abimé du comptoir. Inspirant profondément, elle tourna la tête sur sa gauche, dévisageant celui qui lui servait d’intermédiaire pour ce contrat.
« Je marche. »
Les grosses paluches de l’homme se rejoignirent dans un bruyant claquement, attirant l’attention de quelques clients pour une seconde, avant qu’ils ne retournent à leurs discussions. Son sourire disparut rapidement avant qu’il ne lâche quelques mots, comme si son professionnalisme revint au galop.
« Parfait ma belle. Va t’équiper et reviens me voir. Marius logera ici, son échange aura lieu demain et je superviserai le tout, mais pour cette nuit, ce sera à toi de jouer. »
Expirant tandis qu’elle quitta son tabouret, elle se dirigea vers la sortie de l’auberge sans un mot. Le froid attaqua son épiderme, l’obligeant à abaisser son visage, se protégeant comme elle le pouvait à l’aide de son col, adoptant un air renfrogné tandis qu’elle se dirigeait vers le quartier marchand. Elle acheta, sans négocier, ce dont elle avait besoin, à savoir, uniquement deux dagues de jets puisqu’elle avait toujours ses propres dagues et son armure en cuir. Sans perdre de temps, et d’un pas rapide, elle revint vers Damian qui semblait avoir terminé son hydromel et une autre chope tandis qu’il levait son coude pour en terminer une troisième. Après un léger signe de la tête en direction de la brune, il leva sa senestre en lui faisant signe d’approcher, ce que fit Liraël sans sourciller.
« On a encore un peu de temps, mais on a sa chambre à l’étage. Au fond à gauche, une seule entrée qui fait aussi sortie… Je te laisse t’y installer, le client ne devrait pas tarder. »
L’emplumée acquiesça d’un léger signe de la tête avant de se diriger vers les escaliers qui la conduiraient à l’étage. Rapidement, elle arriva devant la porte de la chambre dans laquelle elle resterait cette nuit, pour protéger cet homme. La porte en bois semblait simple, elle pouvait se verrouiller de l’intérieur avec une clé, mais la serrure semblait bien trop basique pour apporter une réelle sécurité aux occupants.
La jeune femme fouillait la pièce, mais rien de notable ne lui sautait aux yeux. Une chaise à côté de la porte, une armoire contre un mur, un lit contre l’autre, une fenêtre en face de la porte. Rien qui sortait de l’ordinaire, alors la mercenaire vint s’assoir lourdement sur la chaise en bois dans le coin de la pièce, agrippant l’une de ses dagues pour la faire virevolter.
Le temps passa, de longues minutes qui devinrent des heures jusqu’à ce que le marchand arrive, visiblement agité, et rejoigne la chambre. La mercenaire le fixa de ses yeux vairons, obligeant Marius à détourner les yeux. Le malaise était palpable, du moins, pour l’homme qui venait d’entrer, il savait mieux que quiconque les risques qu’il prenait en revenant à Matrev, mais la perspective d’un gain aussi important lui permit de trouver un peu de courage.
Il ne pipa mot pendant plusieurs secondes, avant qu’il ne s’asseye sur le lit, cherchant à faire face à celle qui avait pour mission de le protéger. Ses mains tremblaient légèrement, ce qui fit sourire la brune avant qu’il ne lâche quelques mots.
« Mais… Vou… Vous êtes une femme ? »
La pointe de la dague que maintenait Liraël se dirigea dans la direction de l’impudent tandis qu’elle se redressa sur sa chaise, adoptant un léger sourire en coin.
« J’espère que tu n’as pas d’autres questions connes, parce que je n’endurerai pas une nuit entière comme ça. »
Cette simple remarque fit taire le marchand pour le reste de la soirée, à l’exception des quelques moments où il maugréait contre lui-même. Il sortait divers papiers, les observant pendant de longues minutes, se perdant dans ses pensées pendant autant de temps jusqu’à ce que la nuit tombe et qu’il se décide à s’enquérir des bras de Morphée.
Si la mercenaire cherchait à rester éveillée, nul doute qu’elle somnolait bien trop souvent, mais son sommeil restait suffisamment léger pour qu’elle soit alertée en entendant quelqu’un trifouiller la serrure de la porte. Alerte, la brune posa sa dextre sur la poignée tandis que sa senestre empoignait sa dague. Elle se redressa avant d’ouvrir la porte avec une certaine hâte, l’adrénaline dans ses veines, elle releva son arme pour n’apercevoir qu’un ivrogne tenter d’insérer sa clé dans la mauvaise serrure.
Cet homme, visiblement éméché, ne semblait même pas réaliser que la porte venait de s’ouvrir devant lui tant il se noyait dans la boisson. Sourire en coin, la balafrée tourna la tête en direction de son client pour le voir dormir comme un bébé. Son regard revint sur l’ivrogne qu’elle chassa d’un coup de pied dans la rotule avant de parler, avec une voix suffisamment forte pour que Marius se réveille et l’entende.
« Aller ! Dégage, foutu voleur, la prochaine fois, c’est un coup de dague dans la gorge, sac à merde ! »
Refermant la porte avant de la verrouiller alors que l’intrus s’enfuyait aussi vite qu’il le pouvait en tanguant tel un galion perdu en pleine tempête, elle posa son regard sur son client sorti de son sommeil d’une manière assez brutale, et qui semblait plus qu’inquiet.
« Qu’est-ce que c’était que ça ? »
Elle adressa un léger signe du visage à l’attention de Marius avant de revenir s’assoir dans sa chaise, conservant sa dague en main.
« Un voleur qui ne remettra plus jamais les pieds ici. Dormez maintenant. »
Sans un mot, le marchand acquiesça rapidement avant de s’allonger, cherchant à trouver le sommeil malgré le danger qui le guettait et qui se trouvait dans ce même bâtiment. La protection d’une mercenaire ne réussissait pas à l’apaiser suffisamment, mais il réussit à retrouver le sommeil au bout de quelques longues minutes.
Les minutes passèrent et le client de Liraël s’endormit, la fatigue attaquait aussi la jeune femme qui cherchait à résister, jusqu’à ce qu’elle échoue, fermant les yeux contre sa volonté jusqu’à ce qu’elle en vienne à somnoler, encore une fois.
Elle se réveilla presque une heure plus tard quand un cri la réveilla. Ses yeux vairons cherchaient à analyser la scène qui se déroulait dans l’obscurité, où seules la Lune et quelques étoiles leur permettaient de bénéficier d’une légère luminosité à travers la fenêtre. La fenêtre qui aurait dû se trouver fermée et qui était grande ouverte. Un homme, encapuchonné se tenait devant cette dernière, il tenait une imposante arbalète en main, visant Marius, qui venait tout juste d’être extirpé des bras de Morphée. Il semblait terrifié, et à cet instant, l’assassin prit la parole.
« Algernon te passe le bonjour. »
Une simple phrase balancée avant que le carreau de l’arme ne fût tiré et ne vienne se planter en pleine poitrine de ce pauvre hère, qui ne réussissait pas à crier et qui, sous la violence de ce tir, tomba en arrière, s’étalant de toute sa longueur sur le lit qui commençait à adopter une teinte carmin. Les édredons souillés par ce liquide épais et organique témoignaient du nouvel échec de la jeune femme. L’encapuchonné abaissa légèrement son arme et jeta un œil à la mercenaire.
« Je n’avais qu’une seule cible. Si tu ne bouges pas de là, je vais partir et tu pourras vivre. »
Il ne fallut qu’une fraction de seconde à l’emplumée pour comprendre ce qu’il venait de se passer. Les paumes s’appuyant sur les accoudoirs de sa chaise en bois l’aidèrent à se redresser avec rapidité. D’un rapide mouvement, ses deux mains agrippèrent les deux dagues de jets acquises un peu plus tôt pour les lancer en direction de sa cible. Sa dextre envoya la première arme de jet dans la direction de l’homme, qui l’esquiva d’un léger mouvement sur le côté, tandis que sa senestre envoya la seconde dague dans sa direction.
L’assassin était rapide, très rapide. Sa main droite agrippa le pan de sa cape, transformant ce bout de tissu en un bouclier dédié à l’arrêt de cette dague envoyé avec fureur par Liraël. Cette dernière se rua vers sa cible, la détente de la jeune femme fut rapide, elle décida de passer par-dessus le lit, où se trouvait le cadavre de l’homme qu’elle avait échoué à protéger. Dès que son pied droit foula les couvertures et édredons qui se trouvaient sur ce lit, l’homme encapuchonné, à l’autre bout de la pièce, balança son arbalète déchargée au visage de la jeune femme.
Si ce malandrin semblait rapide, Liraël n’était pas en reste. Abaissant rapidement la tête, elle esquiva de justesse cette arme que venait de lui balancer son adversaire. Ses deux mains rejoignirent sa ceinture, se posant sur le pommeau de ces deux dagues qu’elle gardait au niveau de ses hanches, avant de sauter du lit pour faire face à son ennemi.
Certes, l’homme était rapide, mais l’arme qu’il tenta de dégainer se trouvait être une épée courte, qui pouvait s’apparenter à un glaive. En bref, une arme qu’il ne réussit pas à sortir de son fourreau avant que l’acier de l’arme de la jeune femme ne provoque un léger chuintement qui arriva aux oreilles de l’assassin et qui signa sa perte.
La dextre de la mercenaire accompagna son arme au niveau du visage de son adversaire, d’un mouvement rapide elle tenta de planter sa dague dans la tempe de cet homme, cependant un léger mouvement de la tête de ce dernier empêcha la brune d’atteindre son objectif premier, la pointe de son arme traversa la joue droite de l’assassin, coupant légèrement sa langue, avant de venir frapper la mâchoire du côté gauche de son visage avec une violence inouïe.
Si Liraël n’était pas aussi concentrée dans son combat, elle aurait pu lire sur son visage une marque de stupéfaction. Malheureusement pour cet homme, ce masque de surprise mêlé à une légère dose de terreur, fut la dernière expression qu’il exhiba au monde, car la senestre de la jeune femme accompagna sa seconde dague pour que le tranchant de celle-ci ne vienne s’approcher de la gorge de son adversaire, ne laissant derrière elle qu'une plaie béante, d’où une immense quantité de sang s’écoula.
La brune sortait vainqueur de cet affrontement, elle avait triomphé de ce combat, mais elle avait échoué dans sa mission de protection. Elle fouilla le cadavre encore chaud face à elle. Il ne lui restait que peu de temps avant que les gardes ne débarquent dans la chambre. Elle ne trouva absolument rien d’intéressant à l’exception de l’épée de son adversaire qu’il n'eut pas le temps de dégainer.
Elle se dirigea ensuite vers le cadavre de Marius qu’elle fouilla avec une certaine hâte, trouvant sur ce cadavre quelques pièces, plusieurs pierres précieuses, ainsi qu’une carte que la mercenaire ne prit pas le temps d’observer. La porte de la chambre s’ouvrit violemment et Damian apparut dans l’encadrement de cette dernière. L’ancien homme d’armes ne rigolait pas du tout, il grimaça en observant le cadavre du marchand ainsi que la jeune femme accroupie à ses côtés en train de le dépouiller. Avant qu’ils ne disent quoi que ce soit, il s’avança en direction du cadavre de l’assassin aux côtés de la fenêtre encore grande ouverte, avant de s’accroupir, n’ayant cure de la mare de sang qui se formait à ses pieds et dans laquelle il pataugeait.
Sa dextre vint relever la capuche du cadavre, avant qu’il ne prenne une grande inspiration pour se redresser tout en se retournant vers sa comparse, lui adressant un regard désolé tout en secouant la tête de gauche à droite.
« Tu vas avoir des problèmes avec la guilde, de gros problèmes. Ils ne vont pas laisser passer ça. »
Un masque d’incompréhension et de colère pris place sur le visage de la brune, Damian avait lui-même accepté le contrat en connaissant les risques inhérents à cette mission, comment pouvait-il tenir ce discours à cet instant alors que c’est lui qui était l’instigateur de tout cela.
« Qu’est-ce que tu me chies ? C’est toi qui m’as dit que ce sac à merde avait énervé les mauvaises personnes ! »
À nouveau, il secoua la tête de gauche à droite de plus en plus rapidement avant de reprendre.
« Non, tu as énervé la guilde. Tu as égorgé Lapointe ! Bordel, avant la fin de la nuit, tu auras une meute au cul, tu n’imagines même pas à quel point… »
Il leva son index droit, mais cette fois, un sourire naquit sur son visage.
« Mais j’ai une solution. J’ai un plan pour que tu quittes Wararst, tu vas rejoindre Preven, puis Cleyf puis Briet, afin de t’éloigner d’ici. Tout est prêt pour que tu partes saine et sauve ! »
Il penche la tête légèrement sur la droite, la fixant toujours.
« Il reste la question du paiement… Comme tu le sais, je ne travaille pas gratuitement, je vais avoir besoin des pierres pour que mes amis te laissent embarquer, ça marche ? »
En entendant cela, Liraël contint difficilement sa rage, elle venait de perdre sa réputation avec cet échec, son foyer, car si elle ne connaissait pas tous les membres de la guilde dont parlait Damian, elle savait que le nom de Lapointe s’apparentait à un nettoyeur connu de la région pour éliminer ces cibles à l’aide de carreaux d’arbalète, qu’il laissait penser à une marque de pointe sur ces différents cadavres. Les jointures de ses phalanges blanchirent face à la pression qu’elle exerçait contre les poignées de ses dagues, mais elle devait se contenir, elle savait que la garde ne mettrait que peu de temps à intervenir, surtout si Damian ne l’aidait pas, et encore plus si elle perdait du temps à se battre maintenant.
« Va te faire foutre connard… »
Elle gardait les dents serrées alors qu’elle crachait ses mots, tandis que son interlocuteur souriait et lui tendait sa dextre signifiant qu’il attendait son paiement, les pierres du pauvre hère qui ne connaitrait jamais la fin de cette nuit.
« Sans rancune, ma belle, il fallait bien que tu payes un jour ou l’autre le fait d’avoir tué Nathanaël, tu ne crois pas ? Hé oui. Je le savais. Et ça m’a fait beaucoup de peine que tu me la mettes à l’envers pour quelques pièces de plus… Mais je t’aime bien. Donne-moi les pierres, et tu pourras avoir un nouveau départ. »
Le visage de la jeune femme blêmit à l’évocation du prénom de l’un de ses anciens clients, elle s’était fait piéger, son avarice ce retourner aujourd’hui contre elle, l’obligeant à se défaire d’un beau petit magot, mais surtout de cette ville, ou elle était respectée et connue, malheureusement les choses étaient ainsi faites et seuls deux choix s’offraient à elle, résister, se battre contre des ennemis dont elle connaissait la réputation avec une donnée qui venait de changer, le fait qu’à présent elle était entièrement seule et qu’elle ne pourrait compter sur absolument personne. Elle pouvait aussi faire le choix de la raison, se soumettre, accepter la défaite, abandonner ce qu’elle avait et tout quitter, en espérant mieux réussir ailleurs qu’ici.
Elle avait la haine, elle avait la rage. Mais s’abandonner à ses émotions ne la conduirait qu’à une mort plus ou moins rapide et plus ou moins douloureuse. Elle donna les pierres à Damian avant de cracher quelques mots entre ses dents.
« Allons-y… »
Elle avait joué, elle avait perdu, elle l’acceptait. Elle réfrénait sa rage et sa haine pour pouvoir bénéficier de cette seconde chance, qui, en réalité, n’était pour Damian, qu’une opportunité de se venger et de s’enrichir tout en laissant à la mercenaire l’illusion que cet homme se comportait de façon chevaleresque, peut-être afin d’éviter une confrontation avec cette femme, dans un excès de rage aurait pu l’égorger lui aussi à cet instant. Il lui laissait une option afin qu’elle ne soit pas dos au mur, afin que la seule option pour sa propre survie soit un autre carnage.
C’est ainsi que commença la fuite de Liraël en direction de l’enclave d’Auven.